Lumière dété Jean Grémillon 1943

Cri-Cri �tait autrefois danseuse. Elle tient aujourdhui la pension �LAnge gardien� pour �tre plus pr�s de son amant, Patrice, un ch�telain d�s�uvr� qui m�ne une cour assidue � Mich�le, une jeune femme rencontr�e par hasard. Cette derni�re, vit avec Roland, un artiste sans grand talent qui ne rechigne jamais devant un bon verre de vin. Un soir, il se pr�sente compl�tement saoul � la pension. Pour se rapprocher de Mich�le, Patrice demande � Roland deffectuer des am�nagements dans son ch�teau.
Apr�s un d�but de carri�re difficile, les succ�s de Gueule d�amour (1937) et L�trange Monsieur Victor (1938) firent de Jean Gr�millon un r�alisateur majeur du cin�ma fran�ais. Un statut confirm� avec Remorques (1941) pourtant r�alis� dans des conditions houleuses. L�entr�e en guerre de 1939, la d�b�cle puis le d�but de l�Occupation interrompent ainsi le tournage rendu complexe par ses sc�nes maritimes film�es en studio et qui s�ach�vera deux ans apr�s son premier clap sans ses deux stars (Jean Gabin et Mich�le Morgan) ayant fuies aux Etats-Unis. Durant l�Occupation, le politis� Jean Gr�millon se refuse � int�grer la Continentale et se r�fugier en Zone Libre o� la censure allemande est moins contraignante. Le sc�nario de Pierre Laroche et Jacques Pr�vert lui permet ainsi d�exprimer la fibre sociale qui impr�gne tous ses films tout en d�livrant un message de r�sistance subtilement m�taphorique contre l�envahisseur allemand.

Jean Gr�millon signe l� un grand film sur la passion amoureuse qui peut prendre diff�rent visages. Ces visages s�incarnent dans les trois lieux cl�s du r�cit. La passion possessive, d�cadente et secr�tement meurtri�re est ainsi symbolis�e par le ch�teau oppressant et vide comme l��me de son propri�taire Patrice (Paul Bernard). La pension de � L�Ange Gardien � est-elle le th��tre d�une passion tourment�e, d�pressive et maladive la ma�tresse des lieux Cri-Cri (Madeleine Renaud) amoureuse �perdue de Patrice. C�est aussi l� qu�aime et souffre en silence la jeune Mich�le (Madeleine Robinson) pour l�autodestructeur Roland (Pierre Brasseur).

A travers ces environnements on trouve donc d�un c�t� le pouvoir � f�odal �, corrupteur que repr�sente le ch�telain Pascal (ses man�uvres sournoises pour perdre Roland et se rapprocher de Mich�le) et de l�autre un monde ordinaire, vuln�rable et joyeusement excentrique � travers quelques h�tes de la pension. Entre les deux le barrage en construction et ses ouvriers symbolisent une forme de puret� du prol�tariat et une vision id�alis�e de l�amour (les traits ang�liques et la passion si innocente de Julien (Georges Marchal) pour Mich�le), ainsi que finalement un barrage � l�injustice (ce n�est pas pour rien que le final s�y d�roule) et au nazisme de fa�on sous-jacente.

Jean Gr�millon choisit pour cadre le vrai barrage de lAigle en Corr�ze, haut-lieu de la R�sistance puisqu�il servait de refuge aux maquisards mais employait �galement des ouvriers r�fractaires au STO (service de travail obligatoire allemand r�quisitionnant des fran�ais). Les vues majestueuses de la r�gion, parfois naturelles et parfois d� � l�ing�niosit� des maquettes d�Alexandre Trauner (pas cr�dit� au g�n�rique puisque juif) - la spectaculaire baie vitr�e de la pension donnant sur les montagnes - ainsi que les d�cors impressionnants baign�s de cette fameuse lumi�re d��t� du titre refl�tent donc ironiquement la facette la plus oppressante de ce chass�-crois� amoureux.

A l�inverse d�s que la p�nombre, l�ombre et la nuit dominent, les sentiments les plus nobles peuvent s�exprimer. Ce sera presque toujours autour du refuge que constitue le barrage, �videmment avec la camaraderie et fraternit� des ouvriers mais surtout au c�ur de chaque rencontre entre Julien et Mich�le. Julien fait �chapper Mich�le � une explosion et r�conforte son d�sarroi dans un tuyau � l�ombre du tumulte et leur premi�re rencontre inopin�e se fait dans l�obscurit� d�une chambre. La photo de Louis Page est tout en subtils contrastes lors l�entrevue dans les bureaux de la mine et le premier baiser puis le final se d�roule de nuit, passant du ch�teau au barrage.

Jean Gr�millon oppose l� deux mondes, l�un bourgeois et tortur� qui pense gagner l�amour par la force (Pascal) ou le refuse et/ou le r�clame dans un pur �go�sme (Cri-Cri, Roland), � l�inverse de celui qui s�accepte avec patience et sinc�rit� au fil du r�cit et des d�convenues avec Julien et Mich�le tout en pr�sence lumineuse et juv�nile. Les va et vient sentimentaux et g�ographiques se succ�dent alors jusqu�� trouver l�espace r�dempteur qui pourra tout r�soudre avec la conclusion cathartique au sein du barrage. Jean Gr�millon aurait d�ailleurs pr�f�r� conclure l� mais la censure imposa un �pilogue (att�nuant du coup la progression du r�cit par le r�alisateur) o� l�on verrait Julien et Mich�le sous une lumi�re �clatante face aux montagnes. L�un des chefs d��uvres de Gr�millon sous l�Occupation avec Le ciel est � vous � venir.

Sorti en dvd zone 2 fran�ais chez SNC/M6 Vid�o
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